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Spiritualité - Sédir, Yvon Le Loup (lu également Paul Le Loup...) Quelques textes de Sédir, pour qui sa rencontre avec Monsieur Philippe fut un des moments les plus marquants de son existence. Il était déjà écrivain, mais plus spécifiquement sur l'occultisme. Il devient dès lors un des écrivains les plus empreints de mysticisme qui se puisse concevoir. Par de nombreux écrits, il tentera de partager, de transmettre l'extraordinaire de ce que fut pour lui cette Rencontre.

LE très Saint CURÉ D'ARS

Sans aucun doute, comme il lisait les consciences et voyait les crimes sur le front des pénitents, le curé d'Ars voyait le Christ, la Vierge, et les anges, et les saints; et si ses paroles palpitaient d'une telle victorieuse conviction, c'est qu'elles étaient le véridique récit des scènes vécues pendant les nuits d'extases solitaires dans la pauvre chambre délabrée.

Il n'y a pas de vraie thaumaturgie possible sans une seconde vie sur le monde de la Gloire, menée simultanément avec la vie de la terre.

L'homme-esprit est une individualité autonome, dirai-je, encore plus que l'homme-matière.

Le tout est de savoir choisir son habitat immatériel.
Et c'est à quoi Jésus nous invite si souvent et si instamment quand Il parle de la Maison de Son Père, de Sa Bergerie, de Sa Vigne.

Le procédé pour cette acclimatation mystérieuse est indiqué par l'aphorisme :; Là où est le trésor, là sera le coeur.

Aussi, comme le curé d'Ars, choisissons notre trésor et, le choix fait, donnons-nous à lui une fois pour toutes, et toutes les fois avec le même élan définitif que la première. Peu à peu l'homme intérieur prendra pied dans un des domaines du Maître, s'y établira, y bâtira sa maison, y créera une entreprise; et tous ces labeurs mystiques organiseront des correspondances exactes, régulières, vivantes pour secourir les besoins de ses frères encore attardés sur le plan terrestre.

Tel est le mécanisme de la thaumaturgie évangélique, seule légitime et seule innocente.

La fonction par excellence du curé d'Ars fut celle de confesseur. Ce ministère de miséricorde s'appuie sur une promesse formelle du Christ à Ses apôtres :; Ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le Ciel;. Il demande au pénitent de voir Jésus Lui-même sous la figure du prêtre.

Mais il exige aussi de ce dernier l'effort le plus complet pour se rapprocher de l'état d'âme des Apôtres.

Ces disciples d'élite suivaient leur Maître de corps et surtout de coeur; ils avaient tout abandonné pour Lui et dans l'ordre matériel et dans l'ordre social; ils ne voyaient plus que par Ses yeux et n'agissaient plus que par Sa volonté; en retour, l'Esprit leur rendait visibles les secrets des consciences, parce que leur renoncement et leur courage les avaient faits aptes à le recevoir.

Le curé d'Ars, à dix-neuf siècles de distance, leur ressemblait fidèlement, et les paroles sacramentelles de l'absolution recevaient, en passant par ses lèvres vénérables, leur puissance plénière.

Le péché, c'est le buisson d'épines qui, en nous, étouffe la bonne semence, qui crucifie à nouveau le Christ intérieur, qui blesse à nouveau le Verbe vivant.

Notre saint en ressentait la laideur, en subissait la douleur et gémissait avec la contrition de ses pénitents.

Comme il plaignait ces pauvres créatures, balbutiantes devant lui ! ; Je pleure de ce que vous ne pleurez pas;, disait-il à l'une d'elles.

Et comme il savait leur parler du grand Ami, du grand Consolateur, du grand Médecin ! ; Notre-Seigneur est comme une mère qui porte son enfant sur ses bras. Ce petit est méchant; il donne des coups de pied à sa mère, il l'égratigne; mais elle n'y fait seulement pas attention; elle sait que, si elle le lâche, il tombera. Ainsi Notre-Seigneur endure tout; il supporte toutes nos arrogances; il pardonne toutes nos sottises; il a pitié de nous malgré nous...

Et il aura plutôt pardonné au pécheur repentant qu'une mère n'aura retiré son enfant du feu....

Par une telle tendresse, le confesseur se révèle le père spirituel de son pénitent.

Les adeptes des mystères anciens étaient considérés comme de véritables pères par leurs néophytes; mais combien ce rapport mystique n'est-il pas davantage intime et vivant dans l'école de l'Évangile ! On ne se doute pas des larmes et des souffrances que la conversion d'un être peut coûter à un autre être.

Que d'inquiétudes, que de supplications, que de veilles, que de jeûnes les soldats du Christ ne répandent-ils pas aux pieds de leur Seigneur, quand une des âmes dont ils ont pris la charge bronche ou s'égare ?

En nous laissant aller au mal, nous oublions que notre victime immédiate n'est pas seule à en souffrir, mais que nos frères aînés en ressentent la douleur d'autant plus vivement qu'ils sont plus en haut de la spiritualité, et qu'entre tous, c'est Notre Maître le Christ que nos fautes blessent le plus cruellement. Souvenons-nous de ces faits pour comprendre mieux la peine de ce prêtre extraordinaire qui, pendant plus de quarante années, s'enferma tous les jours dans le confessionnal, de une heure du matin jusqu'au soir.

Imaginez les heurts, les angoisses torturantes que sa compassion angélique subit en silence; ses effrois, ses larmes cachées et ses innombrables intercessions, et les déchirements de son coeur attendri par une perpétuelle prière.

Quel martyre physique égalerait ce martyre intime ! Car il ne peut pas être vrai, il n'est pas vrai que la récitation de quelques formules dont le fidèle ne discerne que vaguement les mots puisse lui faire recevoir la Vertu pleine et entière dont le Christ, en les prononçant autrefois, revêtit les paroles de Sa miséricorde.

Nous passons à côté des choses les plus précieuses et les plus vénérables sans même les voir.

Si nous nous souvenions que Jésus, tenant un morceau de pain, a dit :; Ceci est mon corps;, et si nous interrogions ce qui reste d'à peu près pur encore en nous, oserions-nous alors gâcher une miette de cette substance ?

Ne saurions-nous pas que tout le pain, tout le froment, tous les épis sont devenus, depuis cette parole, des choses sacrées ? Et cette force subtile, descendue des doigts divins jusque dans la matière même de ce pain, ne pénétrerait-elle pas en nous, plus avant que notre physiologie, jusqu'à nos organismes spirituels ?

Si nous voulions bien scruter l'Évangile, je vous le redis, nous y retrouverions tout ce qu'il est possible de désirer ici-bas. Voilà comment notre curé d'Ars fut martyr au confessionnal.

Il savait ces choses; et il les disait dans ses catéchismes familiers et dans ses prônes, avec toute la flamme, toute la force directe et toute l'ingénuité charmante de son coeur.

La puissance oratoire du curé d'Ars, c'était uniquement sa conviction.

Il ne se souciait pas des phrases, il ne disposait pas en bel ordre de nobles pensées; il disait ses sentiments ou, plutôt, il racontait ses perceptions.

Comme tout mystique véritable, c'était un praticien; de la théorie, le moins possible; des faits, des expériences, tel était son fonds; expériences intérieures, certes; mais il invitait tout le monde à les renouveler, il montrait à tous que cela est possible en se plaçant, comme devant une table de laboratoire, dans les conditions nécessaires.

Il leur faisait voir combien Dieu est tout proche et tout désireux de nous :; Ce n'est pas comme les hommes, disait-il, plus on Le connaît, plus on L'aime; plus on L'aime, plus on s'embrase; on en vient à ne plus rien pouvoir désirer que Lui... et, dans l'âme unie à Dieu, c'est toujours le printemps;. Non content de ce voisinage divin, il place entre Dieu et nous quelqu'un d'encore plus proche et de plus familier : la Vierge. ; On n'entre pas dans une maison sans parler au portier; eh bien ! la sainte Vierge est la portière du Ciel;.

Et encore :; Lorsque nos mains ont touché des aromates, elles embaument à leur tour; faisons passer nos prières par les mains de la sainte Vierge, elle les embaume;.

Le curé d'Ars montre donc l'homme de bonne volonté conduit pas à pas; le conducteur, c'est l'Esprit Saint, l'Esprit instructeur des ignorants sur tout ce qui dépasse la science, l'Esprit attentif à nous comme une mère à son petit, comme un qui a des yeux guide un aveugle. On entre dans un univers nouveau :;

Pour tout le monde, il semble qu'il n'y a pas de Dieu; pour l'homme conduit par l'Esprit, il semble qu'il n'y a pas de monde;.

On apprend la conscience juste, la notion de notre ridicule orgueil, et la vraie science, la science de notre néant.

Et notre curé nous donne la preuve de ses affirmations; jamais, en effet, on n'a jeté la sonde plus au fond des abîmes de l'âme; jamais on n'en a ramené des notions plus précises et plus universellement vraies. ; Nous sommes beaucoup, dit-il, et nous ne sommes rien; rien de plus grand que l'homme, par son âme; rien de plus petit quand on regarde son corps; si grand que Dieu seul peut le contenter; si faible qu'il ne peut absolument rien sans ce Dieu...

Pour nous comprendre nous-mêmes, il faut d'abord comprendre le Ciel, le Calvaire, l'Enfer;. Pascal n'a pas mieux dit. Et, comme son illustre devancier, le curé d'Ars prêche l'action :;

Il faut travailler dans ce monde; il faut combattre; on aura bien le temps de se reposer toute l'éternité;.

Et ce combat s'explique par un seul mot : la souffrance ou la croix.

 

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