Pteros, un des intervenants du forum m’a envoyé ce texte pour le publier
L’IMPERMANENCE
Beaucoup de gens ressentent de temps à autre une certaine angoisse dont ils ignorent l’origine, ils s’interrogent, recherchent d’où pourrait provenir ce mal être qui leur donne un si mauvais moral. Ce malaise provient bien souvent d’un passé qui ne veut pas passer, un acte, une situation pénible, que l’on ne parvient pas à oublier et qui remonte à la surface sans que l’on soit allé le chercher. C’est uniquement par le travail sur soi que l’on peut parvenir à l’éradiquer.
Il m’arrive parfois, dans un trop rare moment de lucidité, de regarder le monde qui m’entoure et dans lequel je vis, comme un spectateur qui assiste à un film, un film qui aurait pour cadre la vie, notre vie, et qui n’aurait pas de fin, du moins pas la fin à laquelle nous sommes généralement habitués au cinéma.
En effet, nous savons d’avance, pour la plupart des films que nous voyons, que la fin sera heureuse, la justice et l’amour triompheront, et nous en garderons un souvenir tendre et ému.
Nous ne réalisons pas qu’en vérité, nous sommes tous les acteurs d’un film unique, qui se déroule dans un cadre unique, et dont nous ignorons totalement la fin, puisqu’il en comporte de multiples : une pour chacun d’entre-nous.
Françoise Hardy, chanteuse de ma génération, à interprétée une chanson fabuleuse qui disait : « A l’aurore je suis née, baptisée de rosée je me suis épanouie, heureuse et amoureuse aux rayons de soleil, me suis fermée la nuit … me suis réveillée vieille… pourtant j’étais très belle, oui j’étais la plus belle, des fleurs de ton jardin … »
La chanson s’intitule « mon amie la rose « et les paroles peuvent aussi s’appliquer à notre vie.
Quel plus beau symbole pour comprendre l’impermanence, que cette fleur épanouie aujourd’hui et fanée demain ?…
La Terre existe depuis la nuit des temps et une multitude d’êtres s’y sont succédés, tous sont passés, tous passent, tous passeront …
Nous commençons à nous approcher de la mort dés notre naissance, chaque chose, chaque être est soumis à cette notion d’impermanence.
Doit-on ressentir par cette certitude un sentiment de désarroi ou de tristesse ?… surtout pas !… l’impermanence est le sceau de la vie, l’impermanence est la vérité de la vie, et il est important de se rappeler que tout est impermanent.
Plus cette notion sera présente en nous , et plus il nous sera facile d’appréhender la vie de façon positive et utile.
Ce qui est évident aujourd’hui ne le sera pas demain, la vérité que je crois détenir aujourd’hui, sera désuète demain. Tout change, tout évolue et si nous n’y prenons pas garde, si nous ne restons pas sur ce chemin de vie qui s’étend au loin, qui serpente parmi les creux et les bosses, qui se perd dans de sombres ornières pour ressurgir sous un soleil resplendissant, nous serons vite dépassés.
Vivre au présent, vivre en pleine conscience est la seule possibilité qui s’offre à nous. Où que nous soyons, il suffit de regarder autour de nous et d’avoir la conviction que chaque objet est un enseignement sur l’impermanence.
Les situations évoluent, les hommes, les femmes, les enfants passent, ils grandissent ils changent, ils déménagent, ils meurent … en permanence …
Ne pas s’attacher à la matière, ne pas être esclave des sentiments, et méditer sur ce qui a vraiment un sens, prendre enfin conscience de l’utile, tirer des leçons de ses échecs, et avancer, toujours avancer sous peine d’être dépassé et piétiné.
Faut-il alors vivre en égoïste, ne s’occuper que de ce qui est bon pour soi sans se préoccuper de son prochain ?…
C’est peut être une solution, et certains ne se gênent pas pour l’appliquer, mais je pense qu’il est aussi très important d’être « bien dans sa peau « et c’est pour cela que l’égoïsme n’a pas sa place dans cette démarche.
L’impermanence nous enseigne que chaque objet a une histoire, chaque chose est unique, chaque chose a une vie qui lui est propre, l’impermanence nous donne une fantastique leçon d’espoir, si nous ne perdons pas confiance.
La maison dans laquelle nous vivons sera un jour détruite, la mauvaise humeur de mon voisin aura disparue demain, les griefs impardonnables que je formule à l’encontre d’un ancien ami, seront oubliés un jour.
Il faut comprendre la source, la raison de nos attachements pour, peu à peu lâcher prise, et ne pas en devenir dépendants.
Lorsque cette notion d’évolution sera bien intégrée, bien digérée, nous pourrons enfin écarter un passé qui plombe notre esprit, car nous aurons compris que regrets, remords et chagrins sont des sentiments qui bien qu’humains ne sont que des freins à notre évolution, des freins contre lesquels il n’existe aucun remède extérieur : c’est en nous que réside le raisonnement qui va nous faire entrer dans le présent sans trop se retourner.
Les exemples ne manquent pas : Orphée ramenant Eurydice des enfers et, oubliant l’unique condition qui lui était imposée, se retourne au dernier moment, provoquant ainsi la perte définitive de son épouse. Il y a aussi la femme de Loth qui s’enfuit avec lui de Sodome, la ville qui est sur le point d’être détruite et qui, bravant les consignes de son époux, se retourne quand même et se transforme instantanément en statue de sel.
Autant de symboles qui nous invitent a ne pas céder à l’appel du passé, pour vivre au présent. Quel qu’il soit, le passé ne nous appartient plus, nous pouvons changer notre présent, mais pas notre passé, alors il nous faut vivre avec, mais il ne doit pas être une entrave à notre évolution.
Combien d’êtres se sont enfermés dans leur passé, coupant ainsi toute possibilité de vie, tout contact extérieur, privant ainsi de toute joie, tout bonheur, tout plaisir, des familles entières.
Se complaindre dans le chagrin c’est nier l’impermanence, c’est manquer de présence auprès des êtres qui nous aiment, c’est faire preuve d’égoïsme.
Etre présent c’est comprendre que tout peut basculer dans la seconde qui suit : attentat, accident, maladie, infarctus, mort brutale … aussi bien pour soi même que pour les autres, alors est-il encore possible de vivre comme si nous ne savions pas ?…
Tous les êtres auxquels nous sommes très attachés, sont appelés à mourir, cela se fera avant ou après nous, avec ou sans souffrance, ceci est une certitude !… Faut-il s’enfermer dans une caverne coupé de tout contact afin de ne plus souffrir ?… Si c’était la solution, toutes les grottes et les cabanes isolées seraient habitées, créant quand même des problèmes de voisinage, et supprimant toute notion de solitude …
Faire face tout simplement, admettre cette impermanence et vivre avec, en toute simplicité mais avec en plus, cette notion d’amour, qui nous éloignerait de notre égoïsme légendaire.
« Vivre les malheurs d’avance, c’est les subir deux fois … « ( René Barjavel ) « l’avenir nous tourmente, le passé nous retient, c’est pour cela que le présent nous échappe … » (Gustave Flaubert) « Le moment présent a un avantage sur tous les autres : il nous appartient … » (Charles Caleb Colton )
Avec son célèbre « Carpe Diem … « qui se traduit par : « Cueille le jour présent en te fiant le moins possible au lendemain …« Horace a résumé cette notion d’impermanence que nous retrouvons chez un grand nombre de poètes et d’écrivains.
Horace a aussi écrit : « imagine toi que chaque jour est le dernier qui luit pour toi, elle te sera agréable l’heure que tu n’espérais plus… » insistant ainsi sur l’importance de la prise de conscience.
La photo emprisonne une situation qui rappelle un moment privilégié, un souvenir heureux, et bien qu’on apprécie de la contempler, elle reste toujours figée, alors que la vie est mouvement. On ne peut pas rester indéfiniment devant une photo, pour raviver des souvenirs qui font mal, c’est de l’auto flagellation, et il ne nous est pas demandé de souffrir volontairement et inutilement, la vie s’en charge déjà …
Avoir à l’esprit cette notion d’impermanence, c’est apprécier chaque chose, c’est vivre au présent en ayant conscience que les privilèges qu’elle nous offre sont comptés, et qu’il ne faut pas les galvauder.
Tout peut changer, tout peut basculer à chaque instant, rien n’est jamais acquis, et je trouve cela passionnant, cette incertitude fait partie de la joie de vivre, cette incertitude comporte une immense notion d’optimisme qui fait de chacun d’entre nous un être à part, un être conscient et confiant.
Conscient que rien n’est figé, rien n’est gravé, rien n’est définitif, tout change, tout évolue, notre situation, nos pensées, nos relations, nos lectures, tout cela défile, se modifie, se complète, se transforme, disparaît … Nous ne nous reconnaissons pas nous-mêmes dans certaines situations, certaines idées, certaines prises de position … Et pourtant nous étions si sûrs de nous …
Confiant dans un avenir prometteur car en constant mouvement, un avenir dans lequel nous allons vivre pleinement en qualité d’acteur et non de spectateur, une vie passionnante et sereine. Nous pourrons alors faire face à chaque épreuve que l’on va rencontrer, tout en sachant qu’aucune ne sera au dessus de nos forces, tout en sachant que plus l’épreuve sera lourde, plus la confiance qui nous est accordée sera élevée. Confiant dans cette impermanence qui tel un torrent, va entraîner notre pensée dans un courant novateur, purificateur et bienfaiteur qui va nous permettre de relativiser, et qui va ainsi nous apporter la sagesse et la paix de l’esprit.
Et si je ne suis pas bien aujourd’hui, patience … cela ne va pas durer, tout passe … Tout change … Patience et confiance…
Ne pas envier son voisin, apprendre à apprécier ce que l’on a, apprendre à s’en contenter, et ne pas stagner, ne pas focaliser sur tel ou tel problème, « mektoub !… » disent les arabes, « c’est écrit … » ce n’est pas une fatalité, juste un épisode cela va passer, courbons l’échine et surtout ne nous plaignons pas, ne nous apitoyons pas : nous sommes vivants !… Quel meilleur cadeau ?…
Seuls les vivants peuvent souffrir, seuls les vivants peuvent manger boire et rire, seuls les vivants peuvent vivre , seuls les vivants peuvent prier … pour ceux qui souffrent … C’est ainsi que d’autres prient pour nous … quand nous souffrons …
Etre vivant, c’est être présent, combien de personnes sont des morts vivants ?… Combien de gens vivent comme des robots, des automates programmés, minutés, qui ne font que passer sans apprécier ce cadeau divin qui leur est fait …« laissez les morts enterrer les morts !… » a dit le Christ … Il a dit aussi : « Réveillez vous !… »
Vivre en pleine conscience cette impermanence c’est la reconnaître, et enfin l’accepter, ce qui permet d’avoir une perception très différente des évènements et péripéties qui nous accablaient hier, et qui aujourd’hui ne sont plus que futilité et dérision.
Alors en toute conscience restons éveillés, vivons pleinement cette vie d’incertitude et de joie, chaque jour apporte sa peine, c’est-à-dire non pas son chagrin, mais son travail, les évènements auxquels nous allons être confrontés, et qui seront tristes ou heureux en fonction de l’état d’esprit dans lequel nous serons : notre volonté, notre moral doivent s’affirmer dès le matin au lever : aujourd’hui est un beau jour et ce qui arrivera sera pleinement vécu avec confiance, sans penser au lendemain, car demain est un autre jour…
Une seule permanence dans ce monde d’impermanence : Dieu qui nous regarde avec tendresse, et qui nous envoie, tel un ambassadeur de lumière, le soleil qui illumine chacun de nos jours, le soleil qui comme Lui, éclaire sans discrimination chaque habitant de cette terre .
Ptéros