Le Signe par Ptéros, texte de Ptéros
Ptéros, qui est déjà intervenu sur ce blog, et participe tellement sur le futur ancien forum, m’a envoyé ce texte par mail, me proposant de le publier. Il réagissait à un échange de commentaire que nous avons eu hier après-midi après ma publication de La Prière Je Vous Salue Marie Pleine de Grâces.
LE SIGNE
Son nez est légèrement déformé par le bord de la coupe de champagne qu’elle finit de boire, devant un petit gâteau au chocolat sur lequel est planté le chiffre 95…Cette photo a été prise au mois d’août dernier et c’est de ma maman qu’il s’agit.
Je la connais depuis 65 ans et pour elle, mes frères et moi avons toujours été « ses gosses »…
C’est curieux comme les parents voient toujours leurs enfants comme des gosses fragiles devant la vie, et ils restent persuadés qu’ils auront toujours besoin de leur aide pour s’en sortir.
Mes frères et moi, nous sommes pas mal débrouillés au cours de notre existence, et je dois avouer que j’ai moi aussi, tendance à considérer mes enfants, dont l’âge tourne maintenant autour de la quarantaine, comme des êtres désarmés que je voudrais soutenir, alors qu’ils ne me le demandent pas…
J’ai eu l’occasion d’expliquer à une amie, un jour où elle avait le moral au plus bas, que si elle considérait que son rôle dans la vie, consistait à mettre au monde ses enfants, et ensuite à les élever et à les aider pour qu’ils puissent un jour se débrouiller seuls, les chiens et les chats faisaient exactement la même chose, et pourtant ils n’étaient que des animaux…
Les enfants sont dès leur naissance, des entités à part entière, et s’ils ont besoin de nous pour vivre, cela fait partie du cycle de la vie, et ce n’est que provisoire, l’oiseau quitte son nid quand il sait voler, et les enfants devenus grands deviennent autonomes.
Nous devons alors vivre aussi, et nous occuper de nous-mêmes, notre vie ne doit pas être un éternel sacrifice. « Plutôt que de toujours donner du poisson à ton voisin, apprends-lui donc à pêcher… »
Nous vivons toujours comme si nous étions immortels, nous fêtons tous les ans dans la joie, la venue de la nouvelle année, sans penser que chacune de ces fêtes nous voit vieillir, et nous rapprocher de notre fin.
C’est lorsque nous commençons à penser à notre âge, que la vieillesse s’installe, alors n’y jamais penser est signe d’éternelle jeunesse, qu’on se le dise !…
L’horloge de la vie fait partie des attributs dont la naissance nous a doté : tout y est inscrit, et lorsque le moment est venu, elle ralentit sa marche, la fatigue arrive, le sourire disparaît, l’envie aussi, et le décompte s’enclenche, les organes commencent à ralentir, à faiblir, cela fait penser à l’atterrissage d’un avion : il réduit les gaz quelques centaines de kilomètres avant de se poser, le corps humain fait de même, il s’éteint peu à peu, comme le locataire d’un immeuble qui en descendant du dernier étage, éteint chaque étage qu’il quitte avant d’arriver au rez de chaussée qu’il quitte aussi, laissant derrière lui un immeuble sombre et désert.
C’est notre âme qui est chargée d’éteindre tous ces étages, et plus elle nous aime, plus elle le fait lentement pour ne pas choquer, pour ne pas brusquer, pour ne pas faire souffrir.
Après avoir fêté avec une certaine joie ces 95 ans, nous imaginions bien que cela ne durerait pas bien longtemps, le cycle de la vie ne permet pas lorsqu’on a la chance d’atteindre cet âge, d’espérer encore et encore… il faut raison garder biensûr, mais cela n’est vraiment pas évident , et lorsque quelques mois plus tard, l’horloge à commencée à faire entendre des tic tacs de plus en plus désordonnés, nous avons compris que le temps était venu, mais comme il est difficile d’accepter une telle évidence !…
On épie, on guette, on prie, on a peur …peur de la voir souffrir, peur de la voir mourir, peur de ne pas savoir comment cela va se passer, peur de notre propre réaction devant cette mort annoncée.
On tapote son oreiller, on recouvre une main qui dépasse, on guette son souffle, on épie ses moindre soupirs, on prie pour qu’elle ne souffre pas, on touche un front et des joues de plus en plus froides, des jambes glacées…
Et la fin arrive, les couvertures ne se soulèvent plus, le souffle qui les faisait lentement bouger s’est éteint, elle paraît détendue, enfin… Et notre chagrin et notre tristesse éclatent alors, nous savions pourtant, mais c’est notre mère, celle là même qui nous a veillés quand nous étions malades, celle là même qui nous courrait après, pour que nous fassions nos devoirs, celle là même derrière laquelle on s’abritait, pour éviter les corrections méritées de notre père.
Une mère ne s’oublie jamais, et je plains très sincèrement ceux qui n’ont jamais connu la leur. C’est toujours elle que nous appelons quand nous souffrons, quand nous sommes malades, quand nous avons peur, et cela même quand nous sommes « grands «…. Un jour j’ai entendu mon père dire « maman !… » Alors qu’il était très malade, cela m’a beaucoup surpris, j’avais cru qu’en vieillissant, on n’y pensait plus … Bien que je doive avouer personnellement l’avoir mentalement appelée plus d’une fois à la rescousse…
Alors qu’elle s’éteignait lentement, j’ai pris son maigre visage entre mes mains, et je lui ai dit : « maman, je t’aime ! » ses oreilles n’ont peut être pas entendues mais je sais qu’à l’intérieur, au plus profond d’elle-même, j’ai été entendu et aujourd’hui, j’enjoins tout le monde à dire ce « je t’aime » sans retenue, à tous les gens qu’ils aiment, ce sont des mots que l’on ne dit jamais assez, il ne suffit pas de le penser, ou d’imaginer qu’il est inutile de le dire parce qu’ils le savent… fausse excuse !… il faut le dire sans retenue , encore et encore…
Alors qu’elle reposait enfin libérée, j’ai inventé une prière pour elle, j’ai d’abord remercié son ange gardien, de l’avoir si peu faite souffrir car après plus de 95 années de vie, sa lente agonie ( doit-on appeler cela comme ça ?…) n’a guère durée plus d’une semaine, il faut savoir que j’avais aussi, longuement prié chaque jour pour qu’elle ne souffre pas, et pour cela aussi, j’ai remercié cet ange, puis j’ai demandé à son âme de se réjouir de pouvoir monter au ciel pleine des souvenirs de cette longue vie terrestre .
Lorsque mon père nous a quitté, il y a plus de trente ans, j’ai eu pendant plusieurs semaines, l’impression de l’apercevoir au détour d’une rue, ou dans le parc, et j’ai placé ces visions sur le compte de mon imagination, bien qu’on m’ait dit que cela arrivait souvent, et que c’étaient des clins d’oeils que nous faisait leur âme.
En priant comme je l’ai fait pour ma mère, et à la lueur de l’expérience que j’ai acquise durant de longues années de lectures, de discussions et d’observations, j’ai bien des fois eu l’impression que je n’étais pas seul, et bien que j’en aie reçu assez souvent quelques témoignages me confirmant cette pensée, j’étais persuadé que je recevrais un signe qui me donnerait raison.
Cette nuit, je me suis réveillé vers 5 heures, c’est l’heure de la mort de maman, et vers 6 heures alors que j’essayais de me rendormir, je me suis senti envahi par une odeur de parfum : celui que distribue le petit appareil qui était dans sa chambre. J’ai ouvert les yeux, je ne rêvais pas, l’odeur était bien là, alors que nous n’utilisons pas de vaporisateur à la maison, je l’ai humé, je l’ai respiré pendant une a deux minutes … une éternité … Je planais de bonheur… Ma maman était là… Mais était- ce bien elle ?… Ou peut-être son ange, ou plutôt son âme qui vagabondait, qui venait me faire un petit coucou, pour me dire qu’elle avait bien entendu mes prières, ressenti ma présence, et me donner en retour, ce signe que j’attendais tant.
Texte de Ptéros